OEUVRE COLORS FESTIVAL 2022

La nuit est tombée avant toi

Oeuvre réalisée par Rouge Hartley (France)

Ici, un homme glisse sous la fin du jour dans un drap d’eau.

« Des histoires dans cette simple scène, je m’en raconte beaucoup. Il y a peut être, un homme qui s’est mis en route, soudainement, et dont la trajectoire en ligne droite l’aurait plongé tout habillé encore dans une matrice où, enfin, avancer, n’est plus nécessaire. Il se reconfigure peut-être, profondément. Peut être se confit t-il à la mécanique magique, aux lois plus grandes que nous, le soin de le soulager de son propre poids. Il se peut qu’il médite ou qu’il se fasse témoin, dans le calme du ciel immense de son propre fracas intérieur.

Il ne se noie pas, c’est certain. Sans effort, il est tenu là pour l’eau qui l’entoure, le pénètre et le déborde, et dans l’équivalence de la peinture, il est fait « eau et roche ». Il est perméable. Il se dissout peut être, quelques fragments de lui-même défini encore mais promis déjà à l’indécision, dans l’ombre délicate d’un soir d’été, entre chien et loup. Il se dissout: dans son devenir sauvage, son devenir « eau », dans l’inconscient collectif qui, comme l’ode entre nous, se meut tendrement comme notre matière commune, irrésolue. Il y a sans doute le désir de s’autoriser, en tant que femme peintre, à romantiser un homme au point d’inventer en lui une Ophélie, et de chercher dans les abruptes droites de son corps enfoui « les grandes voiles bercées mollement par les eaux » (Arthur Rimbaud). Il ne se passe peut être rien d’aussi grand. Pour être plus juste, si, il se passe quelque chose de grand mais c’est une immensité fugitive, fugace, comme nos épiphanies d’un jour corné le lendemain au coin du doute. Ni lumière spectaculaire, ni complexité graphique, mais un simple moment de grâce où l’on peut espérer être plus vaste que soi.

Oui c’est ça ! Ce que je me raconte moi, au fond, c’est un homme qui trouve là une manière d’être vivant, d’être continuité, dans les eaux du lac de Cazaux où j’appris enfant à nager, et dont le feu a depuis pris les rives ! « 

« Ici, un homme glisse sous la fin du jour dans un drap d’eau. « Des histoires dans cette simple scène, je m’en raconte beaucoup. Il y a peut être, un homme qui s’est mis en route, soudainement, et dont la trajectoire en ligne droite l’aurait plongé tout habillé encore dans une matrice où, enfin, avancer, n’est plus nécessaire. Il se reconfigure peut-être, profondément. Peut être se confit t-il à la mécanique magique, aux lois plus grandes que nous, le soin de le soulager de son propre poids. Il se peut qu’il médite ou qu’il se fasse témoin, dans le calme du ciel immense de son propre fracas intérieur. Il ne se noie pas, c’est certain. Sans effort, il est tenu là pour l’eau qui l’entoure, le pénètre et le déborde, et dans l’équivalence de la peinture, il est fait « eau et roche ». Il est perméable. Il se dissout peut être, quelques fragments de lui-même défini encore mais promis déjà à l’indécision, dans l’ombre délicate d’un soir d’été, entre chien et loup. Il se dissout: dans son devenir sauvage, son devenir « eau », dans l’inconscient collectif qui, comme l’ode entre nous, se meut tendrement comme notre matière commune, irrésolue. Il y a sans doute le désir de s’autoriser, en tant que femme peintre, à romantiser un homme au point d’inventer en lui une Ophélie, et de chercher dans les abruptes droites de son corps enfoui « les grandes voiles bercées mollement par les eaux » (Arthur Rimbaud). Il ne se passe peut être rien d’aussi grand. Pour être plus juste, si, il se passe quelque chose de grand mais c’est une immensité fugitive, fugace, comme nos épiphanies d’un jour corné le lendemain au coin du doute. Ni lumière spectaculaire, ni complexité graphique, mais un simple moment de grâce où l’on peut espérer être plus vaste que soi. Oui c’est ça ! Ce que je me raconte moi, au fond, c’est un homme qui trouve là une manière d’être vivant, d’être continuité, dans les eaux du lac de Cazaux où j’appris enfant à nager, et dont le feu a depuis pris les rives ! »

Bio de Rouge Hartley  :

En 2014, Rouge choisit un nom qu’elle souhaite proche de son travail de rue : commun, appropriable, multiple. Attachée au dessin et à la peinture, elle exprime son engagement sur les murs des villes. En parallèle, elle réalise installations vidéo et performances aux Beaux-Arts de Bordeaux dont elle est diplômée. Ses recherches principales : les enjeux de valeurs et de propriétés dans l’espace public, le milieu urbain & ses précarités, et le féminisme. Elle tente de déceler en chaque terrain d’inscription une singularité et une rêverie propre. Pour Rouge, une image, c’est précieux. En fabriquer une de qualité – c’est à dire épaisse en narration, en générosité picturale et en poésie – est une fête rare à laquelle elle aime consacrer du temps. Sa conception se forge dans le contact et l’exploration de ses alentours. Son art est accessible et pris dans le tissu du monde. Elle travaille depuis ses débuts par collage ou fresque dans la ville, parallèlement à une pratique rigoureuse en atelier. Le mur, le quartier, comme la toile et le papier lui offrent l’occasion de figurations jamais symboliques mais toujours narratives. Ses compositions proposent une tension vers le manifeste, la fable ou le poème, avec une attention au cadrage héritée de la vidéo, et toujours animées par le plaisir de peindre.